Sélectionner une page

Les obstacles

Pour connaître les critères qui limitent la téléconsultation (et comment les contourner)

Quels éléments limitent l’adoption de la télémédecine, lesquels la favorise?

Une façon de répondre à cette question est de se baser sur les résultats d’une revue systématique publié en 2022 : Barriers and Facilitators That Influence Telemedicine-Based, Real-Time, Online Consultation at Patients’ Homes: Systematic Literature Review. Cette revue systématique permet de découvrir les éléments qui favorisent et ceux qui limitent l’utilisation de la téléconsultation. Les auteurs de cette publication ont pour chaque élément relevé le nombre d’études qui soutenait le critère indiqué, ceci sur les 45 études retenues.

Ces éléments, qu’ils soient favorisants ou limitants, peuvent être classés en deux catégories distinctes. La première, ceux qui sont difficilement modifiables, la seconde, qui montrent des éléments sur lesquels il est possible d’avoir un impact.

Obstacles (sur 45 études)

  • Lenteur de la connexion internet (14)
  • Mauvaise qualité audio (11)
  • Mauvaise qualité vidéo (11)
  • Résistance à la technologie (11)
  • Limitations au remboursement (9)
  • Obstruction à l’environnement (7)
  • Difficulté à utiliser le système (7)
  • Absence de langage corporel (5)
  • Préoccupations ou questions relatives à la vie privée (5)
  • Questions de politique et de droit (5)

Pour ce qui est des facteurs limitants, ces sont des éléments techniques (lenteur de la connexion Internet, mauvaise qualité de la vidéo ou de l’audio), des aspects économiques (limitation de remboursement) mais aussi l’absence de langage corporel.

Facilitateurs (sur 45 études)

  • Facilité d’utilisation (22 études)
  • Économies (21)
  • Formation des patients (20)
  • Réduction du temps de déplacement (15)
  • Disponibilité de l’internet ou du téléphone (15)
  • Formation et compétences des cliniciens (13)
  • Commodité (11)
  • Confidentialité (12)
  • Sécurité (10)
  • Réduction du temps d’attente (9)
  • Amélioration de l’accessibilité aux soins (9)

Pour ce qui est des éléments favorisants l’utilisation de la téléconsultation, on peut relever des facteurs liés à la nature des soins à distance comme la réduction du temps de déplacement, la commodité, la confidentialité, la réduction du temps d’attente et l’amélioration de l’accès aux soins.

Parmi les facteurs positifs modifiables, on note la facilité d’utilisation, la formation des patients et des cliniciens. Il est intéressant que noter que les deux éléments les plus importants sont donc l’ergonomie de la solution et la formation des utilisateurs (les patients et professionnels de la santé).

“On ne peut pas examiner le patient”

Le principal argument qui est avancé contre la téléconsultation est souvent « on ne peut pas examiner le patient ». Même s’il est vrai que la nécessite d’un examen physique ou d’un geste technique impose de facto une consultation présentielle, il est probable que cela soit moins souvent nécessaire que ce qu’imaginent de prime abord les médecins. A titre d’illustration, une étude portant sur les infections respiratoires aiguës a montré que 63 % des patients auraient pu être soignés à distance.

L’étude Communication non verbale, enseignement et éducation à la santé nous dit que le plus souvent, à moins d’utiliser la vidéo, ce n’est pas l’examen physique qui manque mais la possibilité de voir le patient, et ceci en raison de l’importance de la communication non verbale :

Pourtant, la relation médecin-patient est fondée sur le partage d’émotions dont la communication non verbale est un vecteur essentiel. Que devient ce mode de communication lorsque la relation se déroule à distance et que l’interface n’est que numérique ? Comment construire une relation forte et durable lorsque le besoin d’information des patients privilégie l’immédiateté ? L’évolution de la relation patient – médecin dans le contexte de la médecine connectée impose de nouvelles postures qui devront intégrer le rôle de la communication non verbale pour conserver le sens des émotions et la qualité des échanges.

Pour les auteurs de l’étude Quand la distance reconfigure la pratique clinique. Une analyse multimodale des interactions en télémédecine, les professionnels de la santé doivent créer avec le patient un nouvel espace pour s’en rapprocher, et ceci malgré la distance. Les auteurs de cette recherche montrent que ce rapprochement comprend plusieurs dimensions. La première, assez évidente, est de créer un espace physique commun, c’est-à-dire une communication audio et vidéo de qualité, mais aussi l’exigence d’un échange dans un environnement calme, sans observateurs externes, comme cela se ferait au cabinet. La deuxième dimension est émotionnelle, le professionnel de la santé doit de faire preuve d’empathie envers son patient, justement pour s’en « rapprocher ». Tout le monde comprendra bien cette proposition en pensant qu’il est possible d’avoir un contact très distant avec un professionnel assis à un mètre de soi et beaucoup plus proche avec un médecin distant mais attentif et empathique.  L’objectif pour les auteurs est de créer un territoire partagé pour « se sentir ensemble à distance ». Ils insistent aussi sur la nécessité de former les médecins à ces nouvelles pratiques cliniques.  

Messages

  • Il existe des facteurs limitants et d’autres favorisants la téléconsultation. Parmi ceux-ci, certains sont facilement modifiables, d’autres non.
  • Les éléments les plus importants pour favoriser la télconsultation sont l’ergonomie de la solution et la formation des utilisateurs (les patients et professionnels de la santé).
  • Même si parfois un examen physique est nécessaire, ce qui peut manquer lors de soins à distance est la communication non verbale, une limite qui n’existe pas avec la vidéoconsultation.
  • Les professionnels de la santé doivent se former pour apprendre à se rapprocher de leurs patients, même dans le cadre de soins à distance. Cela implique de créer “un espace commun” pour “se sentir ensemble à distance”. 

Pour aller plus loin

Médecine : l’examen physique est-il encore utile?

Les soins à distance ont connu un développement impressionnant avec la pandémie de COVID-19. De nombreux professionnels de santé, qui jugeaient cette médecine comme de faible qualité, s’y sont mis, contraints et forcés. La plupart d’entre eux ont, grâce à cette expérience, découvert qu’ils pouvaient prendre en charge leurs patients à distance avec efficacité.Avec la téléconsultation, la principale crainte des professionnels est la perte de l’examen clinique, comment faire si l’on ne peut plus examiner le patient ? La question que l’on doit se poser est de savoir si, en 2020, l’examen physique est encore utile. 

Lisez la suite dans l’article Médecine : l’examen physique est-il encore utile? publié sur le blog “La santé (autrement) du journal Le Temps. 

Samuel Auguste Tissot, 1728-1797

« Il faut beaucoup d’attention et d’habitude pour bien juger de l’état d’un malade qu’on ne voit pas ».